L’Apocalypse d’Icare

Dominique de Willencourt

Un opéra ? Une légende apocalyptique.

Dominique de Williencourt s’inspire de ses voyages dans les déserts du monde. De sa rencontre avec un serpent, il compose un opéra. Rapprochant le mythe d’Icare à l’Apocalypse de Saint Jean, il s’interroge sur la fulgurance de la chute et sa révélation.

Toute la journée seul en plein désert Mojave des indiens Navajo, j’ai joué du violoncelle. Rempli de vie, il me faut arrêter cet instant de grâce. La nuit arrive. J’ai replacé mon instrument de fortune sur le dos. Mon catafalque musical me protège. Je marche vite dans la descente ; j’évite les souches de cactus, les racines de palmiers carbonisées par l’astre solaire et les trous sur le chemin.

Mon pas fait trembler le sol et ses ondes se propagent jusqu’au serpent à sonnettes un peu plus loin alangui. Il a écouté ma musique et il m’attend sans le savoir, bercé tout l’après-midi par mes mélopées, mes improvisations et mes chants. Doré au soleil. Réchauffé, hypnotisé, mélomane, le reptile au sang froid somnole.

Dans ma hâte, nos chemins se croisent, ils se heurtent ; je manque de l’écraser sous ma sandale. Je le réveille en sursaut. Surpris, il se redresse subitement et se recroqueville, la queue bruissant de sa crécelle nasillarde et musicale. Il a peur, moi aussi. Je m’arrête, je le fixe. Ses yeux fendus, verts glaçants, transpercent mon regard.

Nous nous immobilisons à quelques centimètres l’un de l’autre. La goutte de venin pend à chacun de ses crocs. Je la vois. Elle suinte. En une fraction de seconde qui me semble interminable, j’ai le réflexe de me propulser en l’air. Mon saut est censé m’éloigner de la bête, de ce dragon venimeux qui m’épie et me tance. Au plus vite.

C’est alors que je comprends l’éternité de l’instant. Avant de toucher terre un mètre plus loin, je me sais totalement vulnérable. Dans la promptitude de son déploiement, le crotale peut m’atteindre aisément. Ma cheville est à sa disposition, libre dans l’air, offerte. Sacrificielle.

Avant de retomber sur le sol quelques centièmes de seconde plus tard, ma vie entière défile dans ma tête, jusqu’à l’enfance, et me rappelle la fulgurance de la chute d’Icare.  La certitude de ne pouvoir échapper à la mort rallonge l’instant de sa prise de conscience. Et me révèle.

ISBNPrixNombre de pagesPoids
978-2-9575764-4-915 euros96 pages160g

L’auteur

Dominique de Williencourt représente magistralement l’Ecole française du violoncelle. Il renoue avec la grande tradition des musiciens en s’affirmant à la fois comme violoncelliste et comme compositeur. Sa carrière internationale lui permet d’effectuer des recherches ethno-musicologiques lors de ses rencontres avec de nombreux artistes.